Accordeur de piano :
faiseur d'harmonie
"Cette recherche de l’équilibre, c’est tout le sel du métier d’accordeur"
220 chevilles et cordes faites d’acier et de cuivre, 88 touches en ivoire, 30 tonnes de tension…
Le Steinway est là, trônant majestueusement au centre de l’alcôve de la chapelle. Tel un chirurgien, Gwenaël Molière sort et dispose ses différents instruments … clé d’accord, diapason, coin, bande de feutre, ausculte ce "patient" peu commun puis commence sa longue et minutieuse opération d’accordage. "Ce piano de concert a pour caractéristique son grand volume sonore. Dans la chapelle il n’y a pas d’ampli ou d’enceinte, aucun artifice technologique. Il faut donc que le son soit parfait ". Une heure de travail est nécessaire pour trouver l’équilibre sonore de ce Rolls-Royce des pianos. Cette recherche de l’équilibre, c’est tout le sel du métier d’accordeur. On le trouve à travers la justesse d’une note seule mais aussi à travers la justesse de l’ensemble pour parvenir à une harmonie, c’est-à-dire sans distorsion entre les basses et les aigus ou d’une note à une autre. Il faut savoir que l’harmonie est propre à chaque piano et à chaque accordeur. D’un piano à un autre, on peut accorder différemment, voire d’une journée à l’autre. Chaque professionnel du métier à sa couleur. "Dans mes accords il y a des petites lacunes que je connais très bien mais que personne n’entend parce que c’est dans l’ensemble. J’aime ces petits défauts, je n’utilise pas de machine, comme certains de mes confrères qui souhaitent que tout soit carré. Je préfère le faire à l’oreille, c’est sentimental". Les gestes sont précis et répétitifs … tendre, serrer, retendre, desserrer les chevilles pour trouver la tension parfaite de la corde. C’est la première étape de l’opération, la partie musicale, autrement dit le travail sur l’accord de musique : l’âme du piano. Vient ensuite la partie technique avec le réglage de la mécanique. "C’est elle qui va faire le lien entre le pianiste et le piano, veiller à ce que tout soit régulier, que les touches s’enfoncent de la même façon, avec la même force, la même vitesse".
Pas de salle de réveil … L’accordeur devient alors pianiste le temps de quelques notes :
Diaporama
Gwenaël travaille sur le Stenway
La phase post-opératoire est un succès, le Steinway est enfin opérationnel au bout d’un an de sommeil.
CLÉ D'ACCORD
DIAPASON
COIN DE CAOUTCHOUC
COIN TRADITIONNEL
COIN AUTOMATIQUE
BANDE DE
FEUTRE
"On dit généralement que l’on devient réellement accordeur au bout de sept ans de pratique"
Le hasard fait parfois bien les choses. Après des années lycées et des notes scolaires pas vraiment au rendez-vous, Gwenaël doit abandonner son rêve de devenir ingénieur du son mais pas celui de travailler dans la musique. C’est un article de journal qui lui donne l’idée, à 17 ans, de devenir accordeur de piano. Direction le Mans, seule ville à proposer une formation aux métiers techniques de la musique, puis Paris pour travailler parallèlement en apprentissage dans une boutique. " Je ne me suis pas vraiment posé de questions, je suis parti pour la capitale avec mon sac sur le dos. C’était l’aventure". Sans véritables aptitudes, excepté savoir jouer du piano, le jeune homme originaire de la Sarthe commence alors son parcours pour devenir accordeur. "Il n’y a pas de qualité particulière à avoir pour se lancer dans cette voie. Il faut seulement être patient et habile de ses mains. Paradoxalement savoir jouer du piano n’est pas une nécessité, ni même avoir l’oreille absolue. Je crois qu’il suffit d’aimer profondément la musique, car ce que j’écoute ce sont les battements et çà tout le monde les entend sauf que moi je les écoute. C’est comme voir et regarder, c’est-à-dire qu’en tant qu’accordeur je vois la finesse du son". Pour arriver à écouter et non plus entendre, Gwenaël a bourlingué en France plusieurs années après ces trois ans de formation. "On dit généralement que l’on devient réellement accordeur au bout de sept ans de pratique. J’ai donc voyagé et fait de magnifiques rencontres comme cet américain qui venait de la prestigieuse Juilliard School de New-York ; on s’est associé et il m’a appris à travailler sur de beaux pianos avec une autre approche, une autre technique".
Son savoir-faire lui permet de travailler par la suite pour des artistes professionnels. "Une grande marque de piano m’a engagé pour faire ce qu’on appelle un service de concert. Elle me prêtait quelques pianos que je devais essayer d’imposer sur les scènes françaises pour sa promotion ". Une double casquette accordeur/service concert bonifiante pour Gwenaël qui rencontre alors de très grands pianistes et musiciens comme Pierre Réach ou encore Anne Queffélec. " A cette époque je transportais le piano de concert dans mon camion, chaque soir je l’installais et l’accordais." Il a foulé ainsi les plus grandes scènes de nombreux festivals et des salles mythiques comme l’Opéra Bastille, La Maison de la Radio et même la salle Gaveau. Il abandonne cette vie de troubadour toujours sur les routes, certes excitante mais épuisante, en 2010, pour redevenir un accordeur traditionnel sédentaire.
C’est au fil des ans et de ses expériences multiples qu’il a forgé sa propre vision du métier, bien loin de la définition froide du dictionnaire " celui qui accorde les pianos :
Château de
Pompigan
Le château a été édifié au XVIIIe siècle par le poète Jean-Jacques Lefranc de Pompignan dans un style classique. De vastes proportions, il est construit sur une terrasse dominant le village et entouré d'un parc auquel donne accès un porche voûté orné d'une fine grille en fer forgé. De part et d'autre de ce porche, s'étendent les bâtiments de l'Hôtellerie et de l'orangerie (transformés en chapelle par les religieuses qui ont occupé le château). Le château possède une partie semi-circulaire su sa façade nord qui était autrefois occupée par un théâtre. Quant aux jardins, tels que les décrit Lefranc, sont à mettre en relation avec le site admirable de Pompignan. La terrasse, au midi, est un belvédère d’où l’on domine la campagne alentour et le poète englobe dans la vision de ses jardins le paysage que bornent les lointains pyrénéens.
"Le piano a une valeur sentimentale et financière très importante"
Si l’accordeur de piano est là pour prendre soin de l’instrument, il est là aussi pour rassurer son propriétaire ou le pianiste d’un soir. "Le piano a une valeur sentimentale et financière très importante, donc comme le médecin je me dois de les apaiser. C’est une partie essentielle de mon travail et elle vaut aussi bien pour les particuliers que les professionnels".
Et parfois cela ne tient pas à grand-chose :
Les artistes, une clientèle à part qui a permis à Gwenaël d’intervenir dans des endroits et des lieux atypiques comme à 3000 mètres d’altitude au sommet du Pic du Midi de Bigorre, pour un récital de Pierre Réach. " C’était pour le Festival Piano des Pyrénées : on a dû hélitreuiller le piano jusqu’enhaut, une première en France. A cause du choc thermique le vernis a entièrement craquelé ; après uneheure de concert il est reparti illico à l’atelier". Après les airs, la terre, celle du Tour de France avec le pianiste François-René Duchâble et sa valse de Chopin dans la montée du Tourmalet, toujours dans les Pyrénées.
Retour sur cet incroyable pari :
Mais aussi avec 100% d’humidité dans des thermes, des églises, des champs ou encore des châteaux comme celui de Pompignan dans le Tarn-et-Garonne qui abrite notre fameuse chapelle et notre Steinway. "Le propriétaire, Michel Penavayre est facteur de pianos : il les fabrique, les répare, les restaure et les vend. Il a d’ailleurs le projet de transformer une partie du château en musée dédié à cet instrument, en plus de son atelier. C’est donc un véritable plaisir pour moi de venir travailler dans cet endroit, spécialement sur ce piano datant de 1974".
Diaporama
L'Atelier de piano de Michel Penavayre
A la chapelle romane du Château de Pompignan, c’est Shauna Luxova, professeur de piano à Toulouse, qui, en ce soir de décembre s'assoit dernière le Steinway pour un récital.
L’occasion de découvrir l’accordeur au travers le regard de l’artiste :
"L'accordeur doit d'abord s'intéresser au piano avant de s'intéresser au pianiste"
Chapelle romane
de Pompigan
Cliquer ici pour descendre
Pour en savoir
plus cliquer ici
partie 1
Opéra Bastille
Maison de la Radio
Salle Gaveau
@ThokaMargaux
Site Château de Pompignan